Manuel de procédures de passation de marchés publics, une arme SUBTILE et sûre visant la bonne gouvernance par l’assainissement du système des marchés publics et l’éradication de la corruption en Haïti. Claudie Marsan, Auteur. ISBN: 978-620-3-41921-4.

Manuel de procédures de passation de marchés publics, une arme SUBTILE et sûre visant la bonne gouvernance par l’assainissement du système des marchés publics et l’éradication de la corruption en Haïti.   Claudie Marsan, Auteur.                                        ISBN: 978-620-3-41921-4.

La deuxième édition du manuel en question va au-delà du simple exposé des règles et procédures applicables aux marchés publics. En effet, cet outil pédagogique sensibilise également le lecteur sur l’absence de bonne gouvernance et l’institutionnalisation de la corruption en Haïti tout en lui révélant des solutions au fur et à mesure de son apprentissage.

Manuel de procédures de passation de marchés publics,

une arme SUBTILE et sûre visant la bonne gouvernance par 

l’assainissement du système des marchés publics et 

l’éradication de la corruption en Haïti.

La deuxième édition du manuel en question va au-delà du simple exposé des règles et procédures applicables aux marchés publics. En effet, cet outil pédagogique sensibilise également le lecteur sur l’absence de bonne gouvernance et l’institutionnalisation de la corruption en Haïti tout en lui révélant des solutions au fur et à mesure de son apprentissage. 

Les marchés publics constituent un levier stratégique de développement économique et social dans un pays. A l’échelle mondiale, la corruption dans la passation des marchés publics engloutit des millions en deniers publics. En raison de leur taille et de leur complexité, les marchés publics sont l’une des activités les plus exposées aux risques de corruption. Inopportunément, en Haïti c’est l’autoroute de la corruption dontl’institutionnalisation cautionne la violation des droits humains, notamment le droit à la vie, à une nationalité, à la santé, à une bonne éducation, le droit à la propriété, à la liberté et à la sureté de sa personne, le droit à la justice, au travail, au repos, aux loisirs, etc., maintient l’impunité et pérennise la pauvreté du peuple haïtien

Je souligne que l’expression utilisée, « institutionnalisation de la corruption », se réfère implicitement à une conception sociologique de l’institution, positive et non normative. Je veux dire par là que la corruption est transformée en Institution en Haïti puisque : « On considère qu’il y a Institution dès lors qu’on observe des pratiques récurrentes, considérées comme normales au sens statistique du terme ». Vous conviendrez avec moi que, chez nous, la corruption est non seulement systémique mais également organisée et régulée. En effet, nous assistons à la culture de la corruption individuelle et de la corruption organisée en Haïti. 

Quelle soit individuelle ou organisée, on constate que la corruption est systémique dans notre pays, c´est à dire qu´elle se rapporte à un système dans son ensemble et personne ne peut prouver le contraire en avançant qu´il n´existe que des cas exceptionnels de corruption en Haïti. La fréquence est si grande qu´elle en constitue même le gouvernement, ce qui établit son caractère systémique, justement. Il convient de préciser qu´il existe en Haïti, non seulement une corruption systémique généralisée, mais également une corruption organisée au travers de réseaux de corruption institués au sein de la plupart des institutions de l´Administration publique haïtienne.

Ces analyses et réflexions me portent à dire qu’Haïti est victime d’une délinquance financière organisée qui a de sérieux impacts sur le développement socio-économique du pays et met ainsi en péril la réalisation des droits humains.

De prime abord, il est important de préciser que « la délinquance financière est tout délit ou crime non violent ayant pour finalité d’entraîner une perte financière résultant de manipulation de deniers publics, de biens mobiliers et immobiliers de l’État », actif constitué en grande partie de l’argent des contribuables. Ces personnes qui paient des impôts, personnes physiques, petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), financent les marchés publics et espèrent en retour, non seulement la protection de l’environnement, le développement des PME et des TPE, la création d’emplois, d’infrastructures et de superstructures nécessaires au développement du pays, mais également la réalisation des droits humains que l’État doit garantir en fournissant notamment les services publics de base nous donnant accès à l´eau, l´électricité, la santé, l´éducation, la sécurité, la justice, le loisir, entre autres. 

Il faut constamment se rappeler la triade des obligations, à savoir respecter, protéger et garantir les droits humains qui attribue à l’État des responsabilités et aux individus des droits dont celui de demander des comptesL´obligation de l´État de rendre compte aux citoyens est un des principes de la bonne gouvernance appliqués aux finances publiques. Le respect de ce principe fait appel à la transparence dans toutes les activités des instances étatiques, notamment lors de la passation des marchés publics par les autorités contractantes.

QU’EST CE LA BONNE GOUVERNANCE ?

Il y a souvent beaucoup de confusion autour du terme « bonne gouvernance ». Cette notion fait l’objet d’une interprétation très diversifiée. Certains perçoivent la gouvernance comme une utopie, d´autres pensent qu´il s´agit d´un concept philosophique et une troisième catégorie de personnes voit la gouvernance comme un projet politique. Au fait, la gouvernance est un processus actif qui se concrétise par des actions menées par différents acteurs. Ce processus sert à orienter des décisions au début et orienter des actions en fin de compte. C´est un dispositif dynamique destiné à régler la direction et l´orientation d´un pays. 

Il n’est pas superflu de préciser que la gouvernance proprement dite se résume en quatre (4) caractéristiques : (1) processus (donc elle n’est pas un système de règles ni une activité) qui repose sur (2) des interactions continues (donc elle n’est pas formalisée); elle est fondée sur (3) le compromispublic/privé (et non sur la domination) et enfin (4) elle implique à la fois des acteurs publics et des acteurs privés(donc tous les secteurs de la vie nationale sont inclus et il n’existe point d’exclusion)On peut dire que « La gouvernance, ce serait tout bonnement de l’action publique en réseaux ». 

Ma définition du concept est la suivante : « La gouvernance est la mise en œuvre d’un ensemble de règles, normes, procédures, protocoles, conventions, contrats, marchés publics, etc. en vue d´assurer une meilleure coordination des parties prenantes d’un grand réseau d´institutions fortes de l´État et du secteur privé qui ont l´obligation d´exercer leurs pouvoirs respectifs dans le but d´aboutir de manière consensuelle à des décisions visant l´intérêt général et le développement durable. » 

Quand on parle de développement durable, il faut penser à la gestion efficace des dépenses publiques.

En effet, la gestion efficace des achats publics alimente la concurrence et la compétitivité dans les marchés publics et contribue à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). C’est tout simplement pour assurer l´efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics que la Loi du 10 juin 2009, fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public, fait obligation aux Acheteurs publics de recourir aux procédures de passation de marchés publics. ladite Loi exige que la passation des marchés publics soit soumise aux principes de libre accès à la commande publique, d´égalité de traitement des candidats, de la transparence des procédures, du respect de l´éthique et de l´efficacité des dépenses publiques. Cette efficacité ne peut être assurée tant qu´on ne parvienne à la désinstitutionalisation de la corruption en Haïti. 

Les systèmes de marchés publics ayant une incidence significative sur l’efficience de l’utilisation des fonds publics, une saine gestion des marchés publics peut garantir la bonne gestion des affaires publiques et assurer la confiance de la population dans le gouvernement. Un secteur public fondé sur l’intégrité, la bonne volonté, la transparence, l’état de droit et la responsabilité est un élément important qui peut favoriser la confiance des citoyens dans les Institutions publiques et le Gouvernement. Bien entendu, cette responsabilité va de pair avec un système de contrôle plus efficient de la gestion des deniers publics. 

Ce système de contrôle doit contribuer de manière essentielle au renforcement du rendement du secteur public et à l’établissement de la confiance des haïtiens. Notre système de contrôle repose sur des Institutions clefs telles l´Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) qui doit lutter contre toutes les atteintes à la probité (népotisme, conflits d’intérêts, favoritisme, etc.), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP), organe régulateur de la commande publique, qui doit assurer un contrôle a priori et a posteriori des marchés publics, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif CSCCA, qui doit vérifier l´efficacité des dépenses publiques et la bonne utilisation des deniers publics. En amont, elle doit être consultée sur tous les projets de contrat auxquels l´État est partie. En aval, une fois ces contrats enregistrés dans ses archives, la Cour peut exercer un contrôle durant et après leur exécution. De surcroît, le système de contrôle est en quelque sorte coiffée par le Sénat de la République qui, dans ses attributions, peut faire auditer la CSCCA. Il faut également mentionner l´Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) qui n´intervient pas dans le processus de passation des marchés publics, mais a une partition à jouer pour prévenir la délinquance financière en Haïti. 

L´ULCC, l´UCREF, la CNMP, la CSCCA, et même la Cour de cassation judiciaire doivent établir et tenir à jour des bases de données rendant disponibles des informations concernant les résultats de leur travail (liste des personnes physiques et morales exclues des procédures de passation de marchés publics, recueils de décisions, d´arrêts, de jurisprudences, etc.). Toutes ces Institutions doivent conjuguer leurs efforts avec toutes les Autorités publiques pour permettre à l´État de se rapprocher de la population en vue de renforcer la bonne gouvernance pour la réalisation des droits humains en Haïti.

La deuxième édition du manuel de procédures de passation de marchés publics a le double objectif d’aider à combattre la corruption et à instaurer la bonne gouvernance des finances publiques en Haïti.  Il faut reconnaître que ces objectifs ne pourront être atteints sans, d´une part la participation pleine et égale des femmes et des hommes dans les processus et institutions politiques et économiques et, d´autre part l’inclusion des enfants, des jeunes et des personnes « handicapées » dans les décisions de la vie nationale. Une combinaison de la transparence des finances publiques et de la participation du secteur privé et de la société civile à l’établissement du budget peut permettre à l´État de gagner la confiance des citoyens et de se rapprocher d’eux.

Recommandations :

  1. Dans le souci d´une bonne gestion des finances publiques, la CNMP devrait, dans le cadre de la régulation de la commande publique, mettre à la disposition des acteurs un guide des prix qui permettrait aux Acheteurs publics et Opérateurs économiques de maitriser le prix d´un marché public sous les angles juridique et économique à toutes les phases du processus. La publication d´un guide des prix sécuriserait les procédures de passation des marchés car la formulation des clauses relatives au prix serait garantie, évitant d´exposer les Acheteurs publics à toutes surfacturations des offres.
  • Il serait également intéressant d´outiller les acteurs notamment les Acheteurs publics en mettant à leur disposition un répertoire de prix référentiels pour l´établissement des devis estimatifs. Concernant les marchés de travaux par exemple, une liste de prix mise à jour régulièrement par le Ministère des Travaux Publics, Transport et Communication (MTPTC) pourrait être publiée avec le Budget national. Il n´est pas superflu de rappeler que la question de prix référentiels est un souci exprimé à maintes reprises par les contribuables haïtiens et ceci doit être pris en compte. 
  • Pour lutter contre la corruption dans les marchés publics et permettre une moralisation de la République, il serait judicieux que le Premier ministre, supérieur hiérarchique de la CNMP, joue sa partition en prenant l´initiative de travailler conjointement avec la CNMP sur l´élaboration d´un avant-projet de loi de moralisation incluant un dispositif de contrôle fort et de sanctions dissuasives pour arrêter cette hémorragie qui résulte de la fraude, l´évasion fiscale, la corruption (concussion, enrichissement illicite, blanchiment du produit du crime, détournement de biens publics, abus de fonction, pot-de-vin, commissions illicites, surfacturation, trafic d’influence, népotisme, délit d’initié, passation illégale de marchés publics, prise illicite d’intérêts, abus de biens sociaux, abus de fonction) et tous autres actes qualifiés comme tels par la loi.
  • Il serait nécessaire que les responsables utilisent la traçabilité financière pour en faire une formule anticorruption vu que les traces de crimes financiers peuvent être tangibles et ainsi leur permettre de remonter aux instigateurs et complices de corruption dans les marchés publics. Pour recourir à cette traçabilité, il faut bien entendu une Administration publique qui s’implique avec un volontarisme plus ou moins affirmé pour retracer les transactions des marchés publics. 
  • Il existe une alternative pour remédier à l’inefficacité des dépenses publiques et garantir la bonne utilisation des deniers publics. Il faut recourir à l’expertise des cadres du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF). En effet, l’implication du MEF en amont des engagements des fonds dans le cadre d’un marché déterminé et en amont des décaissements correspondants peut être envisagée pour éviter par exemple qu’un contrat ne figurant pas dans un plan prévisionnel annuel de passation de marchés approuvé par la CNMP soit payé Il en serait de même pour tout contrat issu d’une procédure qui n’aurait pas été non objectée par la CNMP et ou qui n’aurait pas reçu l’avis motivé de la CSCCA.  Cette brillante idée a été suggérée comme solution ultime par mon estimable confrère et ami, Me Napoléon Lauture avec qui je m’entretiens longuement sur le droit administratif, la bonne gouvernance et l’avenir de notre pays. 
  • En outre, il faut penser à des structures de gouvernance locales incluant des collectivités locales entièrement indépendantes qui doivent agir selon (1) un cadre réglementaire institutionnel et budgétaire bien établi. Évidemment, cette indépendance doit être garantie par leur capacité à employer leur pouvoir de décision qui ne peut se concrétiser que par des dotations annuelles du budget d’investissement de l’État suivant les priorités du gouvernement et des critères tels que gouvernance, durabilité, gestion et surtout reddition des comptes en temps réel. Il demeure entendu que le ministère de la planification ferait auditer annuellement les collectivités pour (2) évaluer leurs performances et (3) en publier les résultats afin de garantir la transparence dans la gestion des finances publiques.  La construction d´un État basé sur de telles structures peut aider à un équilibre politique et à un essor juste. Les collectivités territoriales peuvent détenir non seulement des pouvoirs plus étendus pour passer les marchés en vue de satisfaire les besoins de leurs communes mais également plus de responsabilitéssur le plan budgétaire bien entendu.  Cela ne peut se réaliser sans passer par un processus de décentralisationrecherchant le rapprochement des autorités gouvernementales de la population. Pour atteindre cet objectif, l´État doit non seulement rendre compte de l´utilisation de la contribution fiscale des administrés mais également faire état de l´optimisation de leur argent en tant que contribuables. 

Pour finir j’invite les lecteurs à réfléchir sur ce constat : Tous les politiciens, une fois arrivés au pouvoir, promettent entre autres, de respecter, protéger et garantir les droits humains. Ils prennent de nombreux engagements face à la population. Ces promesses donnent naissance à des expectatives légitimes. Pourtant souvent elles ne sont pas respectées.  

Je pense qu´il faut commencer à appliquer la théorie de l’expectative légitime en Haïti. Mais attention ! Pour appliquer cette théorie, trois conditions sont exigées : il faut que le politicien agisse dans le cadre de ses compétences, il faut que les citoyens motivés par les engagements du politicien agissent conformément à ces promesses ; et il faut que le non-respect des promesses par l’Administration soit préjudiciable aux citoyens.  Selon cette théorie, en droit administratif, les politiciens doivent respecter leurs promesses sous peine d´être sanctionnés.

Article, extrait du magazine DEVHAITI, écrit par:

Claudie Marsan, Avocate. Experte senior. Passation des marchés publics

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